ChangeClim – Et après 2100 ?

Une chose me tracassait, au fil de mes lectures avant et pendant la COP 21 (article du 11 octobre 2015 ChangeClim – avant la COP 21, cf. fin d’article, du 30 novembre 2015 ChangeClim – COP J1) : les études du GIEC prennent l’année 2100, donc la fin du siècle, pour cible lors du calcul de l’élévation de la température moyenne du globe terrestre ; et au-delà, que se passera-t-il ? Comme on le verra, cette question nous conduira à percevoir une caractéristique essentielle du phénomène !

Note : cet article a été repris le 22 janvier pour tenir compte d’un commentaire avisé.

Effectivement, en poursuivant mon exploration de la littérature sur le sujet j’ai eu confirmation que la plus grande part des études portent sur les projections au cours du 21ème siècle et s’arrêtent en 2100. Il est certes compréhensible que les équipes de recherche et les moyens de calcul aient été principalement concentrés la période et la date cible, sachant les nombreuses difficultés rencontrées pour se projeter plus loin et la forte incertitude des résultats qui en ressortent.

Il m’a fallu fouiller dans les recoins des rapports du GIEC pour trouver des éléments au-delà de 2100 : quelques courbes rapportent des projections plus longues, jusque l’an 2300, soit 2 siècles de plus.

Il est à noter que « l’accord de Paris » ne cite pas de date cible, autrement dit, il vise à contenir « l’élévation de la température moyenne de la planète nettement en dessous de 2 °C par rapport aux niveaux préindustriels et en poursuivant l’action menée pour limiter l’élévation des températures à 1,5 °C » sans limite dans le temps. On comprend bien que la politique ne s’accommoderait pas d’une limite temporelle !


Considérons ces projections d’un peu plus près.

AR5 - WG1_Chapter 12_Fig12-03
AR5 – WG1_Chapter 12_Fig12-03

Les scénarios d’émissions de GES du rapport 2013 sont exprimés en termes de « forçage radiatif », c’est-à-dire de supplément de flux d’énergie reçu au sol, en moyenne sur l’ensemble de la planète, causé par les émissions de GES anthropiques (dues aux activités humaines). Quatre scénarios principaux ont été retenus, représentés sur la figure ci-contre.

Chaque scénario (RCP= Representative Concentration Pathway) est désigné par le niveau de forçage à l’an 2100 : RCP 2.6 signifie qu’en 2100 le forçage serait de 2,6 W / m² ; RCP 8.5 que le forçage à l’an 2100 vaut 8,5 W / m² (le flux solaire capté par la planète est de 240 W / m², le forçage peut sembler faible, il a de grands effets). Comme on le voit, RCP 8.5 continue largement à augmenter, puisqu’il atteint 12 W / m² vers 2300.

R5 - WG1_Chapter 01_FigBox1.1-3-b
R5 – WG1_Chapter 01_FigBox1.1-3-b

Les figures suivantes présentent les scénarios d’émissions anthropiques qui provoqueraient ces 4 courbes de forçage radiatif : (b) les trajectoires d’émissions,

R5 - WG1_Chapter 01_FigBox1.1-3-a
R5 – WG1_Chapter 01_FigBox1.1-3-a

… et (a) l’évolution de la concentration de GES dans l’atmosphère qui résulterait de l’accumulation de ces émissions (grossièrement, l’intégrale, au sens mathématique, des émissions), les durées de vie des GES dans l’atmosphère étant très longues (pour le CO2, principal GES, elle se compte en millénaires).

RCP 8.5 est le scénario « business as usual » = « on continue comme avant. », il s’éteint avec l’épuisement des ressources fossiles vers 2250 (cf. commentaire d’Aurélien du 21 janvier et réponse). Il conduit à une concentration qui atteint 1 000 ppm avant 2100 et se stabilise à 2 000 ppm vers 2250 (hors figure), soit env. 7 fois la concentration préindustrielle.

C’est donc l’accumulation des GES dans l’atmosphère depuis le début de l’ère industrielle, qui détermine la température à long terme, et non pas le rythme des émissions annuelles. Ce qui importe, c’est donc d’atteindre la neutralité carbone au plus tôt, et cela bien avant le 22ème siècle, et non pas simplement de réduire les émissions, et encore moins juste d’infléchir la courbe. D’après le GIEC, pour rester en-dessous de 2° C il faudrait suivre le scénario RCP 2.6, mais celui-ci semble déjà difficilement atteignable…

Et voici pour finir les projections de température moyenne correspondantes :

AR5 - WG1_Chapter 12_Fig12-05
AR5 – WG1_Chapter 12_Fig12-05

Le retour à la neutralité carbone au cours du 21ème siècle est loin d’être acquis, il permettra juste la stabilisation de la température… à quel niveau ? –  Il ne s’agit pas du retour à la température préindustrielle, qui supposerait que la concentration de GES redescende à 280 ppm. Compte-tenu de la forte sensibilité du système climatique vis-à-vis de la concentration en GES, aller jusqu’à l’épuisement des réserves de « matières organiques fossiles » (que nous considérons comme « combustibles ») conduirait la surface du globe vers l’inconnu (fonte totale des calottes glaciaires, montée du niveau des océans de 100 m et plus, bouleversement du climat et des écosystèmes) et l’humanité vers de grands dangers.

On comprend ainsi à quel point les associations, telles que 350.org, qui disent « qu’il faut laissez les combustibles fossiles sous terre », sont pertinentes ; même l’Agence Internationale de l’Energie va dans ce sens : Nous devons laisser deux tiers des énergies fossiles dans le sol.

Reconnaissons que cette question n’est pas absente de l’accord de Paris, puisque l’introduction de l’article 4 (qui traite des questions d’équité entre pays développés, en développement et émergents) stipule : « En vue d’atteindre l’objectif de température à long terme énoncé à l’article 2, les Parties cherchent à parvenir au plafonnement mondial des émissions de gaz à effet de serre dans les meilleurs délais […] et à opérer des réductions rapidement par la suite […] de façon à parvenir à un équilibre entre les émissions anthropiques par les sources et les absorptions anthropiques par les puits de gaz à effet de serre au cours de la deuxième moitié du siècle […]. » (c’est moi qui souligne)

Cependant cette formulation ne fait pas partie de l’objectif principal, auquel est consacré l’article 2. Cet objectif est cependant bien pris en compte lors de l’élaboration des trajectoires de pays (les INDC) et lors de leur évaluation.


Une autre réflexion (hors sujet ?) : dans les premiers temps, il y 4 milliards d’années, l’atmosphère de la terre était principalement constituée d’azote et de dioxyde de carbone, elle ne comportait absolument pas d’oxygène. C’est la Vie qui, en utilisant les rayons du soleil via la photosynthèse, a réduit le carbone, qui a fini dans des roches (sous forme de carbonates, la plus grosse partie) et dans ce que nous appelons « combustibles fossiles » (charbon, pétrole, gaz), et a ainsi produit l’intégralité de l’oxygène que nous respirons. Néanmoins l’augmentation de la concentration en CO2, même à 1 000 ppm ou plus, n’est pas près de nous empêcher de respirer !

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Crédits : Fifth Assessment Report – Climate Change 2013 ; et remerciements à Editions Belin – Climats – Passé, présent, futur, sans la lecture duquel je n’aurais eu la compréhension nécessaire.

2 commentaires sur “ChangeClim – Et après 2100 ?

  1. Pour ce qui est du retour à la neutralité carbone au cours du 22e siècle, il s’explique simplement par l’épuisement des ressources disponibles de combustibles fossiles.

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    1. Merci pour votre commentaire, qui m’a conduit à quelques vérifications et modifications.
      Les réserves de « matières organiques fossiles » sont estimées entre 1 000 et 2 000 GtC ; depuis le début de la révol industrielle l’humanité a rejeté 240 GtC dans l’atmosphère (passant de 590 GtC à 830 GtC).

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